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Sondage – Les Français et l’économie : une nation de schizophrènes ?

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Un sondage TNS-Sofres a été réalisé fin octobre pour essayer de décrypter le complexe rapport des Français à l’économie et à l’entreprise. Le résultat en est troublant.

Il a été demandé si certains mots évoquaient des valeurs positives ou négatives. Certains termes sont sans surprise des valeurs-repoussoir : mondialisation, capitalisme, profit, libéralisme (avec respectivement 73, 72, 56 et 53% d’opinions négatives).

D’autre résultats sont plus surprenants : la nationalisation est majoritairement une valeur négative, tout comme le protectionnisme (52%/48%) ; l’entreprise privée (28% négatif) est mieux vue que l’entreprise publique (33%) et que l’administration (51%). Enfin, les valeurs travail/argent/consommation sont plébiscitées (84%/71%/66% de positif), mais aussi… le temps libre (94% de positif).

On peut dire que ces simples attributions sont bourrées de paradoxes : le libéralisme est majoritairement repoussé, mais les nationalisations aussi (retour du “ni-ni” ?) et, plus surprenant, les Français ont plus confiance dans le privé que le public. Le capitalisme et le profit sont conspués, mais pas l’argent et la consommation. Le travail est une valeur-refuge (une des explications de l’élection de Nicolas Sarkozy ?), mais le temps libre aussi (donc, a priori, pas de remise en cause des 35 heures).

Ces multiples paradoxes montrent que les français sont perdus. Mais, surtout, qu’une dichotomie (voire schizophrénie) croissante s’opère entre l’individu-consommateur qui ne veut pas changer son mode de vie (consommation, protection de l’Etat, pollution) et l’individu-citoyen qui ne veut pas subir les conséquences des actes de l’individu-consommateur (capitalisme effréné, taxes, dégradation de l’environnement).

Les sentiments à l’égard de l’entreprise sont eux aussi paradoxaux. Dans le même sondage, on apprend qu’une majorité de Français pensent que les écarts de salaire sont trop grands, que les intérêts des patrons et des entreprises sont massivement divergents de ceux des salariés ou encore, que la politique gouvernementale est très fortement favorable aux entreprises au détriment des salariés. Le lien semble donc durablement dégradé. Notons également qu’une majorité de français ne fait pas confiance aux syndicats pour les représenter. Seuls contre tous, donc.

Si l’on détaille les résultats, ce constat est à nuancer. D’abord, il y a une très forte disparité selon la taille des entreprises. Plus l’entreprise est grande, plus les salariés ont le sentiment que les intérêts société/patrons/salariés sont divergents (61% dans les TPE, 27% dans les grands groupes). Ce qui se traduit par une appétence pour les actions revendicatives, des plus softs (travailler moins) aux plus dures (grève, dégradation, séquestration), plus grande dans les grands groupes. De même, le degré de fierté, de confiance, d’attachement, est beaucoup plus fort dans les TPE.

Ce qui est beaucoup plus surprenant, c’est la position des fonctionnaires. Dans des proportions très fortes, ils jugent que l’Etat-patron sait moins s’adapter, se soucie beaucoup moins de leur sort qu’un patron du privé et même… que leur employeur est peu solide (pourcentage moindre que parmi les salariés des TPE !). Les fonctionnaires considèrent également que leur sécurité de l’emploi est plus faible que les salariés du privé. Enfin, les slogans sarkozyens fonctionnent puisqu’une majorité de français considèrent qu’ils sont prêts à “travailler plus pour gagner plus” (53%).

Un sondage CSA-Anact-France Info-la Tribune de 2006 fournissait, lui aussi, son lot de surprises. Sous un autre angle, il nous apprenait que les travailleurs précaires (CDD, voire intérimaires) se sentaient plus impliqués, plus reconnus et pensaient avoir plus de possibilités d’évolution que les CDI. L’article de Libération de l’époque concluait par : “Finalement, et contre les idées reçues, le salarié «type» le plus heureux (envie de travailler, reconnaissance, autonomie et climat social) est titulaire d’un CDD, travaille dans une entreprise de moins de 20 salariés située en province et occupe (fait plus logique) un poste d’encadrement ou de «profession intermédiaire»”.

Incroyable France, qui vilipende le libéralisme et le capitalisme, mais ne fait aucune confiance à sa fonction publique. Incroyable France, qui dénonce la précarité à tout bout de champ et s’arc-boute contre tout changement du contrat de travail, mais où les CDD se sentent mieux que les CDI, où les salariés de TPE se sentent plus motivés, reconnus et plus… protégés que les fonctionnaires.

Dans ce contexte, il paraît très complexe, pour un gouvernement de droite comme de gauche, de dégager un consensus ou même une majorité a minima sur une politique économique claire, lisible et qui ne soit pas une politique court-termiste, des petits pas ou du “zig-zag”.

Le modèle français est aujourd’hui écartelé entre une fonction publique puissante, mais insatisfaite et non-motivée (pour maintes raisons, la mauvaise gestion RH de l’Etat n’y étant pas pour rien), des grandes entreprises qui se rapprochent de cet état d’esprit, un tissu de TPE/PME avec des salariés plus investis mais qui reste fragile et peine à se développer, un système de protection (contrat de travail) qui freine l’économie mais ne semble pas satisfaire ses bénéficiaires, une adhésion des salariés à la valeur travail mais aussi à la valeur temps libre et enfin une schizophrénie entre la volonté de consommer et le rejet des fondements de la société de consommation.

Une refondation de ce modèle s’impose. Espérons que ce sera un des enjeux de la prochain présidentielle.

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